Un tour de “Mode” en 80 courts

Du mercredi 2 au dimanche 6 décembre 2015, le Centre Georges Pompidou ouvrait ses portes au festival ASVOFF (Festival International du Film de Mode). Pour sa 8 éme édition Jean Paul Gaultier en est le président. Sélection des meilleurs productions de l’année, mode et images.

 

 

Paris, les files d’attente devant le Centre Georges Pompidou me font rappeler celles des aéroports de “Last in translation”. Mal réveillé, je vais être en retard. Je me précipite dans le croisement des escalators et vois de façon intrusive le mouvement de mes semblables, je crois revivre un plan de “Chun King Expresse”. Je suis déjà dans l’esprit. Le 8 éme festival ASVOFF vient de commencer, mode, courts métrages, musique, le bonheur en plusieurs partitions.

 

 

La silhouette élancée de Pete Drungle improvisant derrière son piano semble être la parfaite ouverture pour ce festival. Les images se succèdent derrière lui, fusion, impro : un tout très entrainant ! Pas de requiem pour Alexender Mc Queen, mais un hommage orchestré par Loic Prigent, ce voyant alchimiste distilleur d’idées, de mode. Il était si bon de jouer les voyeurs pendant ces défilés, à chaque saison il faisait renaître une partie du délice, en n’oubliant pas le fantôme se cachant infatigablement derrière nos épaules ou au fond des coulisses. Un regret nous assaille : personne n’a jamais remplacé personne. La mélancolie fait vite place à la gaité. Jean Paul Gaultier, président du jury, infatigable créateur, nous fait rapidement tourner la tête. Sens de l’humour à l’appui, il voudrait presque faire sembler facile, de ne pas avoir de limite : contribution au cinéma, un exemple parmi d’autres “La cité des enfants perdu”, à la musique au côté notamment de Madonna, insatiable ce français.

Et puis, et puis il y a les courts. Tout commence par la sélection spécial Chine. Shaway Yeh, discrètement assise au premier rang d’une salle insuffisamment remplie (de l’humilité chez une grande Dame. Touchant n’est-il pas !). Des plans d’une poésie parfaite “Non ce n’est pas un rêve ». L’ensemble des courts Chinois mélange le modernisme brut, l’exubérant, les traditions du pays millénaires. Les codes du théâtre sont parfaitement respectés. Contraste du rouge et du blanc, de l’ombre, finesse de l’esthétique, sentiment de l’éphémère. De l’autre l’autre côté du miroir : un « street-figteur » sur du Nancy Sinatra, Bang Bang. Je suis touché au coeur, au coeur ils ont visé.

Oh Lucy”, le hors compétition débute, chorégraphie expérimentale « Footwerk », le réalisateur Alex Murray à trois rangs de moi explique que la musique a été crée sur des bruits de pieds. Bluffant, indétectable ! Les variations changent, les mots manquent, drames. France, “Les bosquets” les tours ne sont pas moins qu’un bidon ville en hauteur, scène d’un désastre social permanent. Là s’animent le passé, demain, l’avenir : une danse contemporaine, un lac des signes dramatique, une possibilité d’amour, le pardon surpasse l’incompréhension palpable. Le rêve, l’esthétique continus, l’architecture de l’image de Pablo Maestres, nous fait perdre nos repères, c’est Escher en mouvement.

A peine le temps de reprendre son souffle le programme principal commence.

La mode c’est la vie, elle peut aborder tous les sujets, sous toutes ses nuances, sous toutes ses couleurs. Totalement décalé ” the art of je ne sais quoi”, “résurrection of the vampire” avec humour ” Oh really!”.

Mais revoici la Chine “JINNNN FW 2015”, retour du contraste chirurgicalement, violement romantique, rouge et noir. “Kithen”, mouvements dansants d’une cuisine comme il en existait sous Wu Zetian.

 

 

L’amour s’exprime pour tous et sous toutes ses formes. “Je te veux”, et moi aussi : allégorie, sublime ogresse, croqueuse de diamant au sens littéral, distillant les passions de ses amants, recluse parallèlement aux hommes quelle ne touchera jamais.

Si l’on est fort, et affamé “Hungry love”, extrait d’un conte de fée “Cidirella”, ou bien même à la recherche de celui qui a disparu “To catche a dream” l’espoir se réalise

Mais du sublime il y en a encore “Will Nature Make a man of me Yet”. Le décor se plante dans un motel tout droit issu d’un souvenir américain pas encore désuet, coincé dans les années 50. Des questions triviales, violentes exprimées par des femmes libres. Les sentiments dés leur éclosion ne sont ils pas violents? Disproportionnés, déchirants ? Toute relation n’est elle pas inégale par nature? Que cherchons nous ? Que voulons nous? Point de vue rendu sous la magistrale caméra de Ben Charles Edwards : décor cadrage léché au delà peut-être de la perfection.

 

 

Par sa nature déchirante le canadien Thibaut Duverneix suit la même ligne de perfection. Etrange hasard il choisi un hôtel comme cadre, mais celui-ci plus New-yorkais, Art-Déco que précédemment. Analogie, détresse d’un corps, d’une voix sublime qui n’est plus pour personne qu’un pantin musical expulsant d’une voix de déesse la détresse, le désespoir. Répondant aux ordres d’un orgue de barbarie qui ne peut durer plus longtemps que sa partition.

Mais comment finir sans rendre hommage au sirène de Matt Lambert “The Feeling” sauvant et se vengeant des humains, incomprise car trop sublime quand elles sont sur la terre ferme. Fuyant un monde qui ne leur laissera jamais de place.

Il y a aussi “The box” et “In The Box”. Dualité de sa propre raison, de la recherche du complément. Perturbation poétique du dessus, du dessous, du grand, du petit, de la déraison.

Un hommage personnel à Lernert & Sander à la créativité sans limite, à l’oeil aiguisé, et à l’humour caustique et décalé à souhait. Rien de surprenant qu’ils aient travaillé pour Jean Paul Gautier. Comme il doit être difficile de devoir faire un choix lorsque que l’on est un jury!

 

 

Le choix du jury : prix de la meilleur publicité pour Lermert & Sander, « Peep shoe » ou le bien fait d’être un pied mannequin bichonné, respecté, heureux de sa condition. L’oeil et l’humour rassemblés. Celui de la Direction Artistique pour Tim Yip avec « Kitchen », rien de surprenant non plus pour un tel mouvement chorégraphique. Celui dunouveau talent pour Kevin Frillet avec « Under ». Le Grand Prix pour “Hangry for Love”, l’esthétique d’une rencontre à part, la justesse d’une détresse humaine commune, pour une rencontre fusionnelle qui échappe a ceux qui ne savent et ne peuvent regarder au bon endroit “Justin Anbrasino”. Celui de la Musique pour Gianluca Andreucci dans “Wonder Mark” d’Ivan Olita. Le festival cette année se baladera a travers le monde, essayez dont de le rattraper ou de le voir se débobiner l’année prochaine pour une nouvelle vision.

Credits:

words by Sophie Faucillion and Julien Millet